Comme un parfum rémanent qui laisse planer longtemps ses effluves, il faut maintenant à nouveau s'habituer à l'oubli. A nouveau accueillir malgré soi les ténèbres. Se réapproprier l'espace infini du vacant. Du manquant. Offrir au silence son tribut quotidien. Il ne demande rien, le silence, et surtout pas votre avis : il prend son obole, et vous laisse comme vidé de votre sang. Jusqu'à son prochain passage, dans la fraction de seconde suivante.
A nouveau, retomber dans le vice du vide. Se réaccoupler avec l'ennui. Copuler avec la solitude. Et puis, feindre encore... Feindre de ne rien manquer. De ne manquer de rien. Et combler, coûte que coûte, chaque particule de vie, chaque moment saccadé du jour et de la nuit. Pour ne pas avoir à penser. Pour n'avoir pas à penser qu'il faut oublier de penser à.... Il y a pire que l'absence : la présence permanente de l'inexistence. De l'inexistant. Cet inexistant qui, comme un parfum rémanent, pénètre jusqu'aux entrailles les plus intimes. Qui s'insuffle dans le plus hermétique des interstices, sans échappatoire connue. Qui s'immisce dans le moindre pore, sans possibilité de rémission. Et qui prend toute la place. Toute la place....... Toute cette place qui aurait dû revenir, de plein droit, au plus merveilleux des sentiments inhérents au genre humain.
Rien ne nourrit mieux l'absence que la conscience du néant total, qu'il implique et qu'il provoque. Qu'elle réplique et qu'elle invoque.
Le corps est ici, et l'esprit là.
L'empreinte est ainsi, et le coeur las.
L'abandon, ce parfum rémanent de l'oubli. L'empreinte du silence. Et la haine de soi comme seul refuge.Malgré soi. L'amour d'Autrui ne suffira pas : quelquechose s'est brisé. Quelquechose qui ne se répare pas. Trop souvent rapiécé, cette fois il est à jamais rompu, vidé, éviscéré. Toujours malgré soi...
L'empreinte de Personne. L'emprise indélébile de l'Absence. Une mort qui ne dit pas son nom : il n'y a plus rien à aimer. Et toujours, malgré soi.