Sûrement que la neige qui tombe sur la ville t'a floconné à l'oreille que j'avais besoin de rire et de pleurer ce soir à minuit... Sûrement qu'un ange, là-bas par-delà les océans, t'a soufflé un vent d'empathie et d'amour pour que tu dessines le portrait si universel de ma Famille. De TA famille. La nôtre, celle que rien ni personne ne nous enlèvera.
Sûrement qu'avec les images, les musiques et les rêveries, il est plus simple et plus parlant de dire "je t'aime" aux gens qui comptent. C'est pour cela que je déteste les mots en général, et les miens en particulier : ils ne savent pas parler. Bien moins en tout cas que ne le font un silence, un rire, une anecdote, une pensée ou... juste un sourire.... *_*
Sûrement qu'un jour, je trouverai la force, le temps, l'envie et surtout les mots, de vrais mots cette fois, pour te dire que je suis fier d'être ton fils, même si ni toi ni moi n'y sommes pour quelque chose (enfin si, et toi plus que moi, c'est certain !); sûrement que je ne trouverai plus de prétextes pour éviter d'avoir à te dire "je t'aime" de façon toujours détournée. Mais, qu'importe : je sais que tu le sais, et cela devrait suffire. Même si cela ne suffit jamais. Si l'Amour pouvait suffire à sauver un Monde, depuis longtemps le monde aurait fait l'amour, au lieu d'occuper son temps en d'inutiles conflits en tous genres. Et je sais que je ne sauverai pas le monde; que je ne me sauverai pas moi-même; mais je sauverai ce qui doit l'être. ...
Sûrement que je pourrais encore, comme à mon habitude, m'étendre sans fin et cent fois sur l'interminable tapis des mots, à pondre des litanies de fausses poésies qui ne veulent rien dire. Jamais ce qu'ils doivent dire, pour le moins. Sûrement que je saurais rendre en deux mots ce que je n'arrive jamais à offrir en dix lignes, dix pages, dix livres, dix encyclopédies. Et même dix vies ne me seraient pas de trop pour, simplement, savoir dire l'amour que j'ai pour le genre humain, et mon dégoût de la nature humaine.
Sûrement que je pleure, ce soir, autant que je ris, à la vue de ces minois de mes neveux et nièces qui me manquent tellement. Au souvenir de ces lieux, de ces moments, ces non-dits, perdus à jamais pour le coeur des hommes, mais à jamais amassés dans le coeur de ma mémoire diluvienne. Au son de cette musique qui me parle pour des raisons que la saison présente m'enjoint à enneiger de le dire. Au besoin que j'ai, toujours, de m'accrocher au dernier rempart de Vie qui rôde dans les couloirs de ma mort omnisciente malgré elle, car je lui donne trop de pouvoir, toujours trop de pleins pouvoirs, et jamais les bons : il suffirait que je n'oublie jamais qui je suis et que je pense à ce que j'ai de plus fort, de plus beau et de plus inutile à donner, pour me rappeler le but de ma venue en ce monde où tu m'as mis. Je le sais. Même quand je me renie, je le sais toujours : je ne sais qu'aimer. Et plus l'amour est inutile, et plus j'aime. Voilà pourquoi je déteste tellement aimer les mots. Et voilà pourquoi, surtout, je reviendrai toujours me ressourcer à ce cadeau que tu m'as fait ce soir en me rappelant pour quoi et pour qui j'existe.
Sûrement que... certains yeux qui tomberont sur ces lignes les trouveront déplacées, impudiques ou grotesques, voire sentimentalistes de supermarché : le petit multi-suicidé de la vie que je suis n'en a rien à foutre ! Là n'est pas l'important. Puisque, comme je l'avais écrit ici-même, dans des mots fades datant d'avant quelques-unes de mes petites morts vivaces, sûrement que j'oublie souvent ce que je dois être. Car, envers et contre moi, aimer est mon credo, et aider ma nature; haïr est mon fardeau, et faillir ma rature. Et, pour une fois, je me cite à bon escient !
Merci, du fond de ce qu'il me reste de coeur, d'être dans le même monde que moi ! Je t'embrasse. Et ta Famille avec moi.
(Isabelle Boulay - Parle-moi / (c) kersoleil via U-Tube)